Maître délégué.e, je suis précaire, je témoigne
Je suis maître auxiliaire, “ suppléante ” comme on dit communément ! En six années, j’ai été dans cinq écoles, j’ai eu la chance d’avoir un temps plein dans une classe sur une année. Le reste du temps j’ai partagé mes années scolaires entre plusieurs classes et parfois même plusieurs écoles.
Être suppléant, cela a quelques avantages, cela permet de se former aux côtés de différents enseignants et de prendre ce qui est bon dans chaque école. Mais c’est également source de désagréments car c’est être placé le jour de la pré-rentrée ou parfois même après la rentrée.
C’est passer des étés “ la boule au ventre ” sans savoir comment on pourra s’organiser à la rentrée suivante, sans pouvoir préparer sa classe ou la ranger. Être suppléant, c’est également s’investir beaucoup car il faut s’adapter chaque année à une école, aux titulaires, à un niveau de classe (voire plusieurs !).
On reste néanmoins “ le remplaçant ” malgré une même charge de travail que les enseignants titulaires et les mêmes responsabilités, mais avec un salaire nettement inférieur ! Quand j’ai com- mencé 1080 euros par mois. Maintenant, je touche 1286 euros. Sans l’Isae, mon salaire serait de mille cent quatre-vingt-six euros… sur lequel je finance une partie des fournitures et des guides pédagogiques pour ma classe. C’est un salaire dérisoire pour la quantité de travail que cela de- mande (classe, réunions, rencontres avec les parents, rendez-vous téléphoniques, corrections, préparations, mises à jour pédagogiques). Je passe mes soirées, mes week-ends, et la majorité de mes vacances à travailler… pour ce salaire.
Depuis plusieurs années je passe le concours mais il faut se rendre à l’évidence. Soit on prépare le concours, soit on prépare sa classe sérieusement. Concilier les deux est impossible. J’ai la responsabilité de mes élèves et de leurs apprentissages. Je ne peux pas me permettre de leur donner moins pour optimiser mes chances de succès au concours, cela ne serait pas juste.
Les parents sont donc ravis, mes directrices ont toujours souhaité me garder, mes collègues aiment travailler avec moi. Je pense me donner beaucoup pour ce travail… et j’aimerais que ce tra- vail soit reconnu. J’ai la sensation de subir, de m’épuiser à la tâche, de devoir toujours en faire plus pour que mon travail soit reconnu. Chaque fin d’année scolaire je me dis que c’est la dernière année, que je ne peux pas continuer ainsi à donner autant de temps et de ma personne pour ce salaire de misère. Je suis une roue… la dernière du carrosse de l’Éducation nationale.
Je suis déçue… On me fait assez confiance pour me laisser la responsabilité des élèves chaque jour mais pas pour me titulariser. La titularisation des suppléants après un certain nombre d’an- nées, et après des visites de professionnels en classe pour nous superviser, devrait être possible.