Maître délégué.e, je suis précaire, je témoigne
Sortir de la précarité : le parcours du combattant
Au cours de ma scolarité au lycée, j’ai choisi le beau métier d’enseignant, pensant naïvement me préparer à un avenir intéressant.
Aujourd’hui, j’aime mon travail, j’aime ce que je fais avec mes élèves en tant que maître auxiliaire en histoire/géographie mais que de difficultés auxquelles faire face ! Mon premier réflexe a été de présenter les concours. Il faut déjà maîtriser le chapitre des inscriptions et rassembler des pièces, beaucoup de pièces. C’est un “ parcours du combattant ”, y compris sur les contenus. Á l’oral, pas une seule question de pédagogie. Pour le concours externe, la préparation est difficile tout en travaillant.
Il faut à un moment se décider à enseigner sans concours. Les débuts sont difficiles. Petit florilège de propos entendus : “ Vous manquez d’expérience ! – Vous n’avez jamais eu de collège/de lycée/d’élèves difficiles ? – Vous refusez le poste ? Vous ne voulez pas faire cinquante-cinq kilomètres pour sept heures d’enseignement ? – Vous savez que vous pouvez être radié des listes ?
– On vous prendra peut-être mais on connaît déjà un autre remplaçant qui termine une mission ailleurs, donc on vous fait un contrat de quinze jours en attendant – On vous prend parce qu’on n’a pas déclaré le poste. On voulait éviter un de vos collègues. Vous êtes intéressé ? – On va couper le poste en deux et donner certaines heures en HSE à d’autres profs qui travaillent ici. Vous aurez la deuxième partie. Donc, vous viendrez faire une heure le lundi de onze à midi, deux heures le mercredi… ” – Bon, vous êtes pris. Mais à la condition que vous acceptiez d’être prof principal/faire tel atelier/de l’AP/organiser telle sortie… Cela, sans oublier les établissements qui font un contrat jusqu’aux vacances, sans les englober pour éviter de les payer. Quel monde… étrange dans un état de droit.
A la fin du mois, surprise, pas de paye ! L’an dernier, toutes les heures de prépa Ifsi ont commencé à être payées en janvier, cinq mois de retard donc. Cette année, j’ai eu le malheur de changer de département. Mais « vivre d’amour et d’eau fraîche », cela ne marche pas. Je savais que je ne deviendrais jamais riche en devenant « prof ». Ce n’est donc pas ma motivation mais il y a quand même un problème entre notre grille des salaires et le niveau master exigé. J’ai appris récemment qu’il y avait en plus un écart considérable entre le public et le privé, où nous sommes encore plus mal payés.
Le plus pénible, c’est de sentir que tout le monde s’en moque, le chef d’établissement, le rectorat… et de faire face au mépris affiché : Vous n’êtes pas en perte d’heures, ce sont les vrais profs qui en perdent. Mais quand on a besoin de nous, on sait nous faire corriger les examens nationaux, par- ticiper aux journées Portes Ouvertes pour assurer la promotion de l’établissement, participer aux journées pédagogiques… comme de vrais titulaires.
La formation est également un énorme problème. Il y en a peu et pas question de la suivre sur temps de travail. Régulièrement, on me dit de passer les concours. Mais les places sont chères et sans rapport avec les pratiques réelles du métier. Pourquoi avoir supprimé la titularisation par ins- pection ? Il faudrait poser la question aux élèves, aux parents et aux collègues mais à titre personnel, j’ai plutôt de bons retours de mon travail. J’aurais plus de chance dans cette configuration.
Depuis déjà quelque temps, je me demande si je vais continuer. J’adore faire cours mais je ne suis pas une « bête à concours ». Le temps passe, peut-être faudrait-il que je fasse autre chose ? Et je doute, vu le contexte budgétaire, que cela s’améliore…