Une perte limitée par rapport aux prévisions, mais inacceptable parce qu’elle s’ajoute à un manque de moyens déjà criant. Les enseignants devront-ils encore longtemps faire les frais de cette situation ?
Le projet de loi de finance 2022 a été présenté aux organisations syndicales du public au CTM (Conseil technique ministériel), en présence du ministre. Mais, c’est par mail que la Fep-CFDT, organisation majoritaire du privé, en a été informée… un « Etat de fait » en quelque sorte. C’est vrai, nous savons lire entre les lignes, mais pas mieux que nos collègues du public. Et aucun ministre n’est venu siéger au CCM (Comité consultatif ministériel) depuis 2014, date de création de cette instance, pour nous présenter le PLF (Projet de loi de finance) ou toute autre décision. Nous attendrons donc le prochain Comité ministériel pour faire remonter nos remarques… à son représentant sans doute. La Fep-CFDT fera ajouter ce point à l’ordre du jour si besoin. Notre représentativité nous confère ce droit, et même ce devoir !
Le compte n’est pas bon
Toutefois, nous saluerons l’effort que le ministre de l’Agriculture a dû consentir auprès de celui du Budget pour limiter la perte de postes à 16, alors qu’une de 110 était initialement prévue. Nous n’y verrons aucun rapport avec d’éventuelles échéances électorales à venir, mais bel et bien une action visant à protéger cette institution qu’est l’enseignement agricole.
Cependant, pour une efficacité réelle, il faudrait au moins 110 postes supplémentaires pour le privé, selon le logiciel SIBL’E qui estime les besoins pédagogiques du privé et du public. Et c’est sans parler de la situation des documentalistes, insuffisamment prise en compte dans notre dotation ! Et c’est sans tenir compte non plus du manque cruel de moyens pour couvrir des programmes ambitieux tels que « Enseigner à produire autrement » ou le numérique éducatif ; ou mener à bien la mission de coopération internationale ; ou encore faire des agents en charge de l’inclusion scolaire de vrais professionnels reconnus…
Qui va payer la note ? C’est nous !
Nous n’avons rien vu, dans ce PLF 2022, sur la manière dont va être absorbée cette baisse de DGH (Dotation générale horaire). Peut-être parce que la réponse a toujours été la même sans qu’aucun ministre n’ait jamais voulu le dire: « C’est vous, par votre engagement et votre travail, qui allez absorber le déficit ».
Cet « état de fait » est une réalité et ce, depuis la Loi organique relative aux lois de finances (LOLF/Jospin) qui a cadré le budget − et, de façon concomitante, le passage aux 18 heures hebdomadaires, sans moyens supplémentaires (Glavany, 2002) −, puis de la Révision générale des politiques Publiques (RGPP/ Sarkozy) qui l’a contraint, avant une augmentation des postes (2014-2018/ S. Le Foll).
Les enseignants de l’agricole privé ont toujours constitué, de par « l’élasticité, la flexibilité, l’agilité » de la réglementation sur les obligations de services, la variable d’ajustement principale permettant de combler le déficit ! Il y a eu malheureusement, et encore récemment, d’autres leviers, comme la fermeture de classes ou d’établissements !
La gestion du manque de moyens est donc transférée aux fédérations et aux directions qui l’appliquent aux enseignants, aux équipes ! À nous de subir le déficit, sachant que la qualité du service ne doit pas baisser et que les éloges de fin d’année ne manqueront pour souligner notre engagement auprès des élèves !
Dans l’enseignement agricole, SIBL’E est paramétré pour estimer les besoins pédagogiques de façon quasiment identique entre public et privé, puisque les mêmes référentiels y sont appliqués. Mais, l’enseignement agricole privé ne dispose pas de l’entièreté de la dotation estimée par ce logiciel. Pourtant, le ministère considère que nous en avons suffisamment, puisque nous y arrivons avec ce que nous avons ! Oui, nous y arrivons, mais à quel prix ? Semaines surchargées, fatigue, arrêts de travail, démission ou maladie, temps partiel en fin de carrière, pour ceux qui y parviendront !
Amélioration en vue ?
Faut-il voir une lueur d’espoir dans le rapport de la mission d’information du Sénat, qui préconise de geler les suppressions d’emploi dans l’enseignement agricole pour 2022, et dans ces propos d’un ministre : « Ce n’est pas le budget qui doit guider la politique, mais la politique qui doit guider le budget » ?
Nous y reviendrons car la question de fond dépasse largement la « simple » question du budget, mais concerne bel et bien celle de l’avenir de l’enseignement agricole !
SIBL’E, c’est quoi ? C’est un outil de simulation des besoins pédagogiques de l’enseignement agricole. Il permet de calculer les besoins pédagogiques (les heures enseignants) nécessaires à la mise en place de la prochaine année scolaire au vu des classes et des effectifs prévisionnels.