« Témoignage d’un enseignant fatigué »

Les contraintes de la nouvelle version du CCF ANGLAIS (bac pro)

Conditions de travail difficiles & surcharge de travail

« Je souhaiterais partager avec vous mon expérience éreintante des CCF d’anglais. Je suis professeur d’anglais dans un lycée professionnel.

La période actuelle, la période des examens n’est pas facile du tout, très difficile. Concernant mon emploi du temps, il a « explosé » en nombre d’heures : les élèves de Terminale passent leur CCF d’anglais. Comme vous le savez, les oraux ont lieu sur notre temps libre, en dehors des heures de cours alors que dans d’autres matières, le CCF est prévu sur l’heure de cours.

En amont, il faut d’abord prévoir un planning, pour le passage à l’oral des élèves, mais aussi des dates pour la partie écrite du CCF. Il faut aussi que la proposition de dates soit validée par la direction. Si cette proposition n’est pas validée, il faut prévoir d’autres dates – à faire valider pour passer à l’étape suivante. Personnellement, j’ai presque 50 élèves en Terminale. Près de 50 convocations à préparer, à distribuer, des familles à informer, des sujets écrits à préparer, les corrections, etc. C’est énorme en termes d’organisation et de temps.

Un problème m’a complètement perturbé au cours des derniers jours, juste avant l’écrit : il a fallu que je trouve moi-même une solution pour avoir des assistants secrétaires lecteurs et scripteurs pour mes élèves qui bénéficient d’un aménagement (les élèves avec des besoins particuliers). En tout, j’ai un peu moins de 10 élèves qui bénéficient d’un tiers-temps et parmi eux, 4 ont besoin d’une assistance pendant l’épreuve écrite. 

Je ne comprends pas du tout cette situation car pour le « bac blanc » ainsi que pour les épreuves communes dans les matières du bac pour le « vrai bac » au mois de juin, les assistants secrétaires lecteurs scripteurs sont missionnés par le directeur. Là, pour le CCF dans ma matière, je me suis senti seul et complètement livré à moi-même avec le stress de ne pas trouver des assistants pour le jour J. En fait, je ne savais même pas qu’il fallait que je me débrouille seul. Personne, aucun responsable dans le lycée ne m’a dit explicitement : « c’est à toi de chercher et de trouver » ! J’ai juste reçu, 4-5 semaines avant les CCF, dans ma boîte mail, un message m’informant des élèves avec des besoins particuliers. Mais cette information, nous, professeurs, l’avions déjà depuis le début de l’année scolaire. 

Si je n’avais pas formulé ma demande à la responsable CCF de mon lycée, une semaine avant l’épreuve écrite d’anglais, les 4 élèves concernés n’auraient pas eu d’assistance. C’est d’ailleurs ce qui s’est produit dans une autre matière, le professeur avait programmé son écrit (LVB) un peu plus tôt dans la semaine pour les mêmes élèves mais les élèves concernés n’ont eu aucune assistance. 

En fait, pour ma part, tout est parti de la question d’un de ces 4 élèves – à savoir s’il y avait bien quelqu’un pour lui pour la durée de son CCF écrit en anglais. Je me suis alors rapproché de la responsable CCF de mon lycée. Il se trouve qu’elle n’était pas disponible, j’ai dû attendre quelques jours avant d’avoir un semblant de réponse. 

En fait, la semaine suivante, en me rapprochant de la vie scolaire, j’apprends que les membres du personnel de la vie scolaire ne peuvent pas servir d’assistant en anglais ; apparemment, il faut absolument que ce soit quelqu’un qui ait des compétences dans la langue anglaise. Donc toujours pas de solution, et ce, à 3 jours de l’épreuve. Ensuite, faute de disponibilité de la responsable, on m’a demandé d’attendre encore 2 jours pour pouvoir trouver une solution mais au bout de ces 2 jours, c’était le jour J pour mes élèves. Ils passaient leur épreuve écrite en anglais. Je ne pouvais pas attendre cette échéance sans rien faire. 

Situation très tendue pour moi car en 2 jours, il fallait trouver 4 assistants ! Situation de stress maximum. Heureusement, j’ai sollicité l’aide de mes collègues. Le dernier assistant pour un de mes élèves a été trouvé en début d’après-midi, la veille de l’épreuve (CCF écrit qui débutait le lendemain matin). C’est en fait un collègue qui a sollicité un proche, un étudiant (et avec un bon niveau d’anglais). Par chance, cet étudiant était disponible pour mon élève. Je dois dire que j’étais vraiment soulagé mais à bout de nerf de me retrouver à demander de l’aide pour que mon CCF se passe bien pour ces élèves. J’ai eu le sentiment d’être un « mendiant »… De plus, sur toute l’équipe des collègues en anglais, juste un professeur aurait pu être disponible pour éventuellement m’aider mais pour ce faire, il devait annuler un rendez-vous personnel – chose que je ne souhaitais pas lui faire faire ! Les autres collègues étaient, tout comme moi, soit en cours ou soit en CCF.

Je dois dire que ces derniers jours ont été très stressants et perturbants, je le sens bien « dans mon corps et dans ma tête ». Pourtant, tout était fin prêt de mon côté (les sujets d’anglais). Je tiens à insister sur le temps et l’énergie que la préparation des sujets a demandée : beaucoup de travail – montage vidéo, préparation d’un document écrit, vérification du matériel au lycée, réservation d’une salle pour le jour J, et même préparation de la salle avec un cours pour moi juste avant l’épreuve de CCF et aussi, ma salle de CCF occupée par un collègue, juste avant le créneau de mon CCF. 

Je sors de cette expérience « CCF » avec une bonne partie de mon énergie perdue en route.

Je suis exténué et de plus, je me retrouve avec près de 50 sujets à corriger maintenant. Chaque sujet comprend deux comptes rendus et une production écrite de 100 à 130 mots. Or, on ne nous donne pas, pour cette partie post-épreuve, des journées « libres » pour pouvoir corriger les copies du bac sereinement. Dès lundi, 8h, il faut être au lycée pour prendre les élèves et continuer de faire cours. J’ai aussi et encore les dernières interrogations de mes élèves en Seconde et Première à corriger ! Je pourrais aussi évoquer les premiers conseils de classes, les livrets scolaires à compléter, etc.

J’étais même convoqué en extérieur cette semaine pour faire passer des oraux. Mes cours au lycée ont dû être annulés ! Il est de plus en plus difficile de jongler entre toutes les contraintes que l’on nous impose.

Il y a deux mots que je souhaiterais ajouter dans mon message sur ces conditions de travail épuisantes :

  • C’est la « responsabilité » que l’on nous donne– elle pèse énormément sur nos épaules (et c’est lourd) car en plus des corrections (à l’école ou chez soi), il faudra rentrer les notes sur le site Cyclades, demander l’archivage.
  • Et puis, maintenant que les CCF sont passés, j’ajouterais le mot « technique » également. Il a fallu que je passe ma vidéo une 4ème fois (j’ai pris cette initiative seul car dans les textes, la vidéo ne passe que trois fois). J’ai eu un bug pendant l’épreuve CCF d’anglais pour un de mes groupes. J’aurais aimé avoir quelqu’un de la direction avec moi ou un technicien, dans la salle d’épreuve CCF. Avec ce bug, la vidéo s’arrêtait et il fallait, à chaque arrêt, cliquer sur « lecture » pour que la vidéo reprenne son cours pour ce groupe d’élèves. Pas de problème technique la veille avec un autre groupe pourtant.

Je croise les doigts maintenant pour que les parents ou les élèves du groupe où j’ai eu le bug ne portent pas réclamation au moment de la proclamation des résultats du bac. Il se trouve que certaines notes sont inférieures à la moyenne (c’est une classe qui ne s’est pas investie au cours de l’année). Les parents ou les élèves pourraient estimer que ce problème technique est la raison de cette note basse. Encore du stress pour moi pour le coup !

Pourriez-vous faire remonter toutes ces informations afin que le syndicat connaisse cette situation rocambolesque ? Les conditions de travail en fin d’année sont devenues de plus en plus chronophages, « énergivores » et pénibles.

Pour ma part, je m’estime chanceux car seul un élève a été absent aux épreuves de CCF, après une convocation et une re-convocation. Pour maintenant, il passera son CCF en septembre.

Comment peut-on être serein ou sereine en sachant déjà qu’il faudra mener la rentrée sur deux fronts : la rencontre avec les nouveaux élèves et une 2ème session pour l’élève qui n’a pas pu se présenter à la session de juin 2022 ?

J’imagine que les professeurs d’anglais, tous, trouvent ce nouveau CCF très bien fait pour les élèves en termes d’évaluation des compétences linguistiques, j’en fais partie. Par contre, pour l’organisation des épreuves, je me sens vraiment seul sur cette galère. 

Une nouvelle mouture du bac suite à la réforme du bac professionnel, oui mais à quel prix ?

Je vous remercie d’avance pour la prise en compte de ce mail. »